Camille, le soldat inconnu
D’octobre 1964 a juin 1998, soit durant 34 ans, j’ai sillonné en tous sens la Région Nord-Pas-de-Calais la Picardie et la Belgique sans un regard pour ces cimetières militaires, français, anglais ou allemands, sans même penser un seul instant que la guerre de 14-18, la grande guerre, comme on dit s’était déroulée, ici sur ces terres de Flandres et de Picardie.
Comme
beaucoup, pour moi c’était Verdun, les Vosges et l’Alsace.
Pas
un regard, ni même un ralentissement devant le cimetière National de Rancourt
dans la Somme près de Péronne.
Et
pourtant, jeune ingénieur désigné pour « s’occuper » de l’Agence
Sulzer de Lille, j’ai obtenu un de mes
premiers contrats a Buires sur Courcelles
(80) et de ce fait je suis passé de nombreuses fois devant ce cimetière,
intrigué il est vrai par le nom de la localité de Bouchavesnes et de la statue
du Maréchal Joffre située au bas d’une descente ou je scrutais plus souvent les
radars que la statue du militaire.
La
généalogie familiale entamée vers les années 1975, un peu tardivement
après le décès des personnes proches qui auraient pu m’en raconter des choses, des anecdotes, puis enfin un regard
sur les monuments aux morts savoyards m’ont fait comprendre que la guerre de 14
s’était déroulée dans « mon secteur commercial ».
Une
visite au cimetière de Notre dame de Lorette,
sur la colline de Wimy et au mémorial de Péronne m’ont confirmé s’il en était besoin que j’étais bien sur le
théâtre des opérations.
Curieusement j’ai d’abord visité les sites de
guerre en Belgique a 20 km de Lille, Ypres, son gaz mortel, son musée
exemplaire, le mont des Flandres, les tranchées des anglais, et petit a petit
j’ai saisi toute l’horreur de cette guerre…dont personne ne veut parler aujourd’hui
au quotidien.
J’ai
effectué le recensement des monuments au morts du canton de La Chambre en
Savoie ; visite dans les mairies, photos, consultations des états civils
pour retrouver l’identité des personnes inscrites sur les monuments. J’ai eu la
chance de consulter et de piocher dans les archives personnelles de Jeannot
André de st Martin, qui très intelligemment avec patience et diplomatie a su
récupérer des souvenirs de guerre
auprès des familles.
Et
surprise, j’ai découvert des anomalies étranges sur ces monuments, par exemple
a Montaimont 60 inscrits mais après bien des recherches j’ai trouvé 69 ou 70
soldats tues donc une dizaine d’oubliés.
Le
1er réflexe est de dire ce sont des déserteurs, des fusillés pour
l’exemple, mais un examen approfondi ne permet pas de confirmer cette
hypothèse.
J’ai
bien retrouvé un soldat qui se serait suicidé de chagrin a Annecy et qui
n’aurait pas été reconnu « mort
pour la France » avec la pension qui en découlait mais pour les autres
c’est le mystère, ces morts n’intéressent plus personne aujourd’hui.
Montaimont
Les
monuments de la Vallée, La Chambre, St Avre, St-Martin sont encore plus
étranges, des noms y figurent alors que
ce sont des étrangers a la commune, seulement des personnes de passage ;
des commerçants, enseignants, pour d’autre c’est le mystère total.
A
St Avre par exemple en décembre 2005, j’ai retrouvé 2 soldats morts a la
guerre, reconnus sans ambiguïté par la commission de St jean de Maurienne en
1922, inscrits sur les registre de l’Etat civil ( naissances+ indication en
marge du décès.
De
plus on retrouve aisément ces 2 soldats sur le fichier du gouvernement http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/
Favier
et Gros ont été injustement oubliés en 1925 lorsque le monument a été érigé et
encore ignorés en 2000 lorsque le monument a été reconstruit.
Petit
a petit je me suis intéressé a la vie et la mort de ces soldats, si la plupart
des
1
400 000 morts français de la guerre de 14 n’ont pas été enterrés a ma grande
surprise !.Très peu ont été rapatriés dans leurs communes de naissance,
problème de coût mais surtout a cause de l’identification, comment retrouver et
identifier les soldats enterrés par dans les trous d’obus, ceux qui sont restés
entre les barbelés ?
Le
cimetière de Lorette qui est impressionnant avec ses milliers de croix blanches
et son ossuaire ne comprend QUE corps, et c’est le plus grand de France avant
celui de Douaumont et Verdun , si on peut faire un classement de l’horreur.
Alors
ou sont les autres soldats ? encore dans la terre pour la plupart, et
encore aujourd’hui en 2006 les journaux relatent la découverte de corps de
soldats français , allemands ou britanniques
Il
suffit de voir le film « un long dimanche de fiançailles » pour se faire une idée.
Alors
je me suis vraiment penché sur les tombes blanches des soldats anglais du mont
des Flandres et j’ai vu pour la plupart « unknow » hélas ils
n’ont pu être identifiés.
Mais
pour certains le brave Curé Salomon de Montaimont avait effectué des recherches
sur les 69 ( ou 70 )morts de Montaimont, il avait réussi a se procurer de
journaux de marche des régiments et il a pu donner des détails précis, détails
qui ont été fortifiés par Jeannot André.
A
Montaimont un nom avait attiré mon attention VINIT Maxime-François c’est un nom qui était plutôt de Montgellafrey
ou de St Martin., mais non c’était bien
un VINIT de Montaimont du village du Mas ; et comme il y avait la
localisation de sa sépulture à,
Rancourt,
Je
m’y suis rendu avec un appareil photo.
.
J’ai rapidement trouvé la tombe et de son coté Maxime VINIT de la Chambre avait retrouvé sa photo
et sa médaille militaire.
Mais
surprise a coté de François une autre tombe a attiré mon objectif VINIT-DUNAND
Camille.
Un
patronyme pareil ne pouvait être que savoyard et du « secteur » La
Chambre.
Le
gardien et les jardiniers du cimetière
intrigués par ma présence sont venus me
voir et m’ont longuement renseigné sur la guerre de 14. « Oui les
tranchées étaient la, près de la route, oui les lignes françaises a coté de la
ferme…. » Et cela durant 4 ans avec des attaques aussi meurtrières
qu’inutiles.
En
août 1914 les Allemands ont été arrêtés dans leur progression et la course a la mer dans cette région de
la Somme et les tranchées ont été creusées pour marquer les positions et rien
n’a bougé jusqu’en 1916.
D’ou
la bataille de la Somme qui a causé plus de 1 million de morts dans les
différentes armées en présence.
Me
voilà a interroger le ministère des anciens combattants, à Paris, à Lille, à
Rouen pour arriver après de nombreuses démarches sur le bon service, courriers
sans réponse, répondeur téléphonique sans réponse, réponse négative d’une employé acariâtre, « vous n’êtes
pas de la famille je ne peux rien vous dire ! »
bref de quoi être découragé. mais pas
résigné.
Rien
dans les communes du Canton, pas de trace de naissance, de mariages,rien !
Des
VINIT-DUNAND en quantité mais pas de Camille
Jusqu’au
jour au Maxime VINIT de La Chambre bien que non apparenté avec Camille mais
usant d’une partie de son patronyme obtienne de la Mairie de La Chambre puis de
celle de Paris 11 des renseignements essentiels confirmés enfin par le
ministère de la Défense.
Ainsi
Camille était né a Lyon, de père inconnu et de Adèle-Péronne VINIT-DUNAND cuisinière le 10 juin 1887
Il
a bien été incorporé a Belley dans l’Ain c’est logique. Matricule 1034 au 125
Re
Sa
mère était bien née a La Chambre le 30
mars 1864 de VINIT-DUNAND
Jean-Marie garde champêtre et de TROCCAZ véronique
Tout s’explique, il n'a pas été inscrit sur
le monument de La Chambre car, non natif de cette commune qui n’a pas été informée. C’est clair
Au passage on apprend qu’Adèle-Péronne s’est
mariée par la suite le 4 décembre 1897
a Paris 11e avec VACELET Henri Ernest désiré, sommelier, originaire
de Bulle dans le Doubs.
Camille
avait 10 ans..
On
se sait s’il avait été a Paris avec sa mère et son beau-père, mais lors de son
incorporation en 1914 c’est le bureau
de recrutement de Belley qui l’a
convoqué.
Avait
il une descendance ?
On ne savait pas jusqu’au jour ou un descendant s’est manifesté par Internet et grâce a Geneanet
Et
Gilles SUTOUR de Brest écrivait :.
« Mais
c’est mon arrière-grand-père ce Camille et d’ailleurs voilà sa photo en
1913
Il
s’est marié avec Dufayet Gabrielle mon
arrière grande mère vers 1910
Et
ils ont eu une petite fille
Reine-Eugénie qui est aussi sur la photo de 1913 »
Voilà
donc notre inconnu avec un visage, une famille.
Et
puis toujours par Internet voilà une autre information qui arrive
VACELET,
un patronyme du Doubs, une lointaine descendante de l’Hérault se manifeste, elle est de la famille de VACELET
Henri désiré qui a épousé la maman de notre soldat, 10 ans après la naissance
de celui donc sans lien de sang a
priori, mais les recherches peuvent se poursuivre dans la famille.
La
mère de notre Soldat, née en Savoie rappelons le, est décédé en 1950 a l’age de
85 ans a St Benoist sur Vanne dans l’Aube. 10 160
Sans
doute ayant suivi son mari Henri Désiré
VACELET décédé lui en 1943 a 78 ans
dans le même village ;
ont
ils eu des enfants, y a t’il une descendance, l’avenir le dira et cette petite
histoire est écrite pour eux
Quant
a notre soldat on en sait un peu plus voici sa fiche officielle tirée
d’Internet
Que
s’est il passé le 15 octobre 1916 ? ?
Le
film « un long dimanche de fiançailles » en donne une idée assez
précise car l’action se situe la, a cette époque la.
C’est
l’offensive de la Somme. Qui fait autant et même plus de morts qu’a Verdun pour
un résultat nul ! Les troupes resterons sur leur positions jusqu’en 1918 date
de l’offensive allemande qui menacera
Paris ( Bois Belleau près de Château
Thierry) puis de la réaction des français et des alliés en particulier les Américains pour repousser les Allemands jusqu’en novembre
1918.
Camille sera porté disparu le 15 octobre 1616
a Sailly-Sallissel et son camarade
François-Maxime VINIT du 22e
BCA dans le bois tout proche de Saint-Pierre-Waast.
le 2 novembre 1916 a l’age de 20 ans .
Les
corps ne seront retrouvés qu’en 1920, et
reconnus officiellement en 1922
L’offensive
de la Somme cessera le 18 novembre sur un match nul.. mais qui aura causé la
mort et la mutilation de plus 2
millions de personnes.
Pour
résumer les opérations dans ce secteur à l’automne 1916
,extrait
d’un ouvrage sur la bataille de la Somme :
www.ifrance.com/ bataille somme
« ….le
25 septembre le 32e Corps d’Armée prend Rancourt, le 26
septembre, les Britanniques s‘emparent de Gueudecourt, le 27 le 5e
Corps borde le bois de Saint- Pierre-Vaast. Mais l’offensive doit
s’arrêter. La VI e armée fait des prisonniers parmi 7 divisions
allemandes……L’assaut britannique est donné le 7 octobre….Les 1er et 32 e
Corps français entament l’encerclement
de Sailly-Saillisel. Les autres Corps
ne peuvent progresser. Le 32e Corps ne parvient plus a
progresser vers Sailly-Saillisel, Le 13 octobre les attaques
franco-britanniques sont stoppées tandis que le 5e Corps qui tient
la lisière du bois de Saint-Pierre-Vaast est attaqué par l’infanterie
allemande soutenue par les flammenwerfer et doit se replier sur ses anciennes
tranchées.
Les
divergences de vues persistent entre Foch et Micheler.
L’offensive
générale britannique doit avoir lieu le 22 octobre, mais pour assurer la
protection des flancs il faut prendre la localité de Sailly-Saillisel. Une
attaque surprise est tentée le 15 octobre a 17 10 ; elle est
poursuivie les 16 et , 17.
La
coordination est mauvaise, les attaques ne sont pas synchronisées et c’est le
statu quo.
Les
Français relancent des assauts dans la région de Sailly-Saillisel et du bois de Saint-Pierre-Vaast .Les
combats continuent jusqu’au 12 novembre, le 32e corps prend
finalement Sailly-Saillisel, au prix de lourdes pertes.
Le
15 novembre les Allemands lancent une contre attaque qui reprend quelques
tranchées autour du bois Saint-Pierre-Vaast et de Sailly-Saillisel .
Ce
sera la dernière opération sur le front de la Somme de l’année 1916.
Le
« sacrifice » de nos 2 savoyards aura été inutile hélas.
Une église, et un cimetière national
rappellent ces batailles meurtrières et
inules
Un
arbre généalogique commence a se dessiner pour notre soldat inconnu
Si du coté de son père on ne connaît rien et pour cause, coté maternel on n'a pu retrouver une quantité d’ancêtre jusqu’en 1580 environ
Pour
simplifier des ancêtres Troccaz et
André de la commune des Chavannes
Et
en remontant encore des Pithoud, Clément, Albrieux, Fay principalement de Montgellafrey
Et
j’ai eu la surprise d’y retrouver une de mes lointaines ancêtres MOLLARD marie fille de Théodule n°sosa 219 mariée le 7 juin 1728 avec DUNAND pierre.
Et
du coté VINIT-DUNAND on retrouve des
Costerg de Montvernier , des Milleret
de Montaimont mais aussi des Tardy de
st Colomban les villards..et une lignée
de Borivent notaires a Montaimont et a La Chambre, le plus ancien Gaspard
Borivent étant né vers 1580
Quant a la branche Duffayet c’est une autre histoire inconnue a
ce jour mais qui sait un descendant se
manifestera peut être ?
De même pour la branche
Vacelet, beau-père de Camille
Ecrit a Lille en janvier
2006 par Michel Clément ,complété le15
février 2006